La robe rouge de Sophie virevolte

Sophie me surprend au creux de ma mémoire, mais pas quand je pense à elle. Non, car  là, je suis sur mes gardes, je sais que c'est une zone douloureuse et je ne la traverse jamais franchement. Je la contourne, je l'effleure, je m'y suis préparée.
Elle m'attend avec son sourire et son vrai matériel de couturière (pas une trousse de toilette reconvertie) quand j'ai un souci et que je me dis  "Oh, ce n'est pas grave, Sophie aura sûrement une idée (pour un costume de théâtre, une couverture de cheval ...)."
Elle m'attend quand  une amie me dit que sa fille  a passé  le concours de l'école d'infirmières et  que me revient ce qu'avait dit Sophie à mes élèves:  "Le médecin s'occupe de la maladie et l'infirmière du malade."
Elle m'attend quand je décrète au sujet d'Amélie Nothomb que "... de toute façon, Sophie et moi pensons que son éditeur devrait mieux faire son boulot !"
Elle m'attend sur le bord du chemin de la forêt où je crois soudain l'avoir aperçue.
Elle m'attend un soir d'été sous le tilleul.

Moi aussi je suis athée et moi aussi, lors de la mort d'un proche, j'ai envié ceux qui pensaient avec certitude qu'il ou elle les attendait ... ailleurs et que la séparation n'était que provisoire.

La comparaison entre nous s'arrête là. Il serait bien sûr absurde et dérisoire d'établir une sorte de hit-parade de la douleur de l'absence et je ne veux ni ne peux imaginer ce que tu ressens.
Mais moi aussi, j'aimerais tellement qu'elle m'attende quelque part.

Mais elle est là, pas très loin, elle t'attend comme toutes les mères qui ne quittent jamais vraiment leur enfant. Et une mère aussi géniale, tu peux toujours compter sur elle. Elle va te regarder vivre et t'épanouir, et quoique tu fasses, elle sera si fière de toi.
Affectueusement,
Jackie.

merci pour tes commentaires qui sont très gentils