- Brouillons
Marjane Satrapi / Poulet aux Prunes
C'est une émotion très différente de Persépolis (qui a boulversé autant Herrena que Sophie). Poulet aux prunes, c'est plus une histoire, un petit conte et au détour d'une page : Et là, cela fait vibrer la question de notre égoïsme à nous les vivants. Et oui, nous voulions, je voulais que Sophie reste encore un peu. Alors c'était le grand marchandage intérieur, tous les efforts pour la garder à la maison avec la grande aide de Marie Jeanne, pour mettre en place l'environnement indispensable –lit médicalisé, infirmières, médecin, pharmacien(s)-, tous les gestes quotidiens et lourds pour que Sophie soit propre, que je la douche même en rentrant tard d’une journée de travail, qu’elle mange avec nous et avec appétit, qu‘elle voit le soleil, qu’elle ne reste pas dans son lit, que je la lève, qu’elle soit dans son fauteuil, qu’elle blague dans ses moments de lucidité –c’est à dire assez souvent-. Et tout cela pour elle bien sûr, pour qu’elle ne se sente pas abandonnée, qu’elle se sente aimée. Et aussi surtout, pour nous, pour moi, pour 3 mois de plus, pour un bisou sur la joue et une caresse sur l’autre joue. Nous étions des piles, lui fournissant à haute dose un violent trop plein d’amour. Et cela a marché. Pendant 4 mois tout a été possible et tout a tenu. Et ce n’est sûrement pas un hasard si c’est lors de notre unique absence d’un peu plus de 48 heures qu’elle est morte tranquillement. C’est un peu comme si notre absence lui avait donné la permission de souffler, enfin. Il n’y a pas de regret. Je ne crois pas que nous aurions pu faire autrement, que je n'aurais pu faire différement que de fournir à haute dose toute cette énergie probablement égoïste mais tellement en phase avec notre vie. Ce n'étaient pas des prières comme dans les cases ci-dessus mais des actions avec un but analogue.
Ecrit par PRAX, le Lundi 31 Janvier 2005, 20:54 dans la rubrique "Vivre avec".
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Ecrit par couz le Samedi 12 Février 2005, 14:26
en lisant ces très belles phrases tellement vraies me revient en mémoire la phrase de Cécile le jour de sa mort à son fils Paul qui voulait appeler le médecin : "laisse moi partir"
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